Le 24/12/2018 – .
A Siem Reap, nous sommes allés à la rencontre de l’ONG Apopo. Il s’agit d’une organisation non-gouvernementale qui oeuvre pour le déminage.
Il faut savoir qu’un pays sur trois dans le monde est menacé par les mines terrestres et les munitions abandonnées.
Le Cambodge, lui, est encore plus menacé avec ses 30 ans de conflit. En effet, les américains ont lâché sur le Cambodge plus de 26 millions de sous-munitions explosives pendant la guerre avec le Vietnam. Puis la guerre civile entre 1970 et 1975, puis le régime Khmer Rouge entre 1975 et 1979, et enfin l’invasion vietnamienne entre 1979 et 1998 ont eux aussi laissé leur lot de mines et de munitions explosives.
Cela explique qu’entre 1979 et 2016, il y ai eu 64 662 personnes touchées au Cambodge par une explosion d’arme abandonnée. 19 748 cambodgiens ont péri, et 44 914 sont estropiés. A ces chiffres alarmants vient s’ajouter le fait que ce sont le plus souvent des civils qui sont touchés, notamment des femmes et des enfants.
Sur l’année 2016, 83 engins ont explosé. 26 étaient des mines antipersonnel, 16 des mines anti-véhicule, et 41 des bombes issues du conflit américano-vietnamien.
L’autre gros problème que représentent ces mines, est que leur présence empêche le développement économique du pays. En effet, nombreuses sont les terres qui restent inexploitées au Cambodge à cause du risque de la présence de mines. Ainsi, certains villages se trouvent dans l’impossibilité de cultiver les terres autour d’eux et ne parviennent donc pas à se nourrir. Aussi, certaines familles se retrouvent confrontées au choix de mourir de faim ou d’aller, malgré le risque d’exploser sur une mine, travailler la terre.
Le but du déminage est donc double: sauver des vies, et permettre aux habitants de subvenir à leurs besoins.
La particularité d’Apopo est d’utiliser des rats d’Afrique pour déminer. Son fondateur, passionné de rats, s’est aperçu qu’il s’agissait d’un animal particulièrement intelligent et qu’il était possible de le dresser. L’autre avantage du rat est qu’il est léger, et donc qu’il ne déclenche pas une mine antipersonnel en passant dessus. (seuil de déclenchement 5 kg).
C’est ainsi que des gros rats d’Afrique se trouvent dressés pour détecter la présence de TNT (substance que l’on trouve dans toutes les armes explosives).
L’autre avantage du rat est qu’il travaille très vite. Il est capable de balayer un champ d’une superficie d’un terrain de tennis en 30 minutes alors que cette tâche peut prendre jusqu’à 4 jours à un démineur équipé d’un détecteur de métaux (car le détecteur de métaux sonne au moindre débris métallique, la plus part du temps qui n’a rien à voir avec une bombe).
Le rat est donc une solution rapide, économique et fiable.
Il faut savoir qu’une mine terrestre ne coûte qu’entre 3 et 75$ à produire et à installer alors que le coût de sa neutralisation via des détecteurs de métaux peut s’élever de 300$à 1000$. Ce qui représente un coût exorbitant pour des populations déjà affaiblies par les conflits.
Afin de réduire les coûts, il y a tout d’abord une enquête pour savoir si tel ou tel terrain présente réellement un risque de présence de mines. Il y a une étude historique des combats ou autres qui ont pu avoir lieu à tel endroit, et aussi un interrogatoire des habitants. Suite à cette étude, soit le terrain est classé sans risque, et alors les habitants peuvent à nouveau l’exploiter sans risque, soit il est estimé risqué, et alors les équipes de déminage sont envoyées.
Ce sont tout d’abord les démineurs avec détecteur de métaux qui opèrent afin de sécuriser des allées et quadriller le terrain. Puis les démineurs avec les rats sont envoyés: 2 démineurs pour un rat. Chaque démineur se positionne sur une allée sécurisée, l’un en face de l’autre, avec un câble au pied qui les relie. A ce câble on accroche le rat avec une laisse. Ce dernier va ainsi commencer à faire des allers-retours sur le terrain. Et les démineurs vont avancer très progressivement afin que toute la superficie de la parcelle soit balayée par le rat. Si il y a trace de TNT, le rat va s’exciter. Un drapeau signalant le danger est alors posé. Et le rat récompensé. Toutes les parcelles seront faites les unes après les autres.
C’est seulement après, qu’une équipe spécialisée viendra prendre les mines pour les faire sauter ailleurs. Ils ne font pas sauter les mines au fur et à mesure, car sinon il y aurait une odeur de TNT partout et les rats ne sauraient plus où donner de la tête.
Les rats sont vraiment des héros, ils redonnent de l’espoir aux populations et leur redonnent des conditions de vie acceptables.
Heureusement depuis le 18 sept 1999 une convention a été signée sur l’interdiction des mines, qui proscrit l’emploi des mines, leur stockage, leur production et leur transfert. Il traite le problème dans sa globalité. En date, du 17 janvier 2018 on dénombrait 162 états signataires.Dans les états n’ayant pas rejoint la convention, on retrouve la Chine, l’Egypte, l’Inde, l’Israel, le Pakistan, le Russie et les Etats Unis.
Le Cambodge espère avoir retiré l’ensemble des mines d’ici 2025. D’ici là, restez bien sur les chemins et évitez de couper à travers champs.